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10 novembre 2008 1 10 /11 /novembre /2008 16:08

Le Crédit Social

(W.G. SERRA. 1933)

 

ARGENT ET CREDIT

 

L'argent est tout ce qui a pouvoir d'acheter ; toute demande effective pour des marchandises, biens ou services ; ou encore tout ce qui possède un pouvoir d'achat est de l'argent. «  C'est tout moyen, ‑ peu imports la matière dont il est fait, peu imports la raison pour laquelle le public le désire, ‑ qui a acquis ou qui possède un degré d'acceptabilité tel que nul ne le refusera en échange de ses marchandises ou de ses services ».

Il consiste dans toutes les promesses de payer, les chèques, les lettres de change, les billets de banque en circulation, les pièces de monnaie.

Il n'est pas nécessaire que ce moyen soit de l'or, non plus qu'aucun autre métal ou matière. Il n'est pas nécessaire qu'il ait une correspondance quelconque à une quantité d'or déterminée. Cette correspondance, ‑ du reste très variable, ‑ est une des superstitions gothiques encore trop répandues et entretenues par une presse ou ignorante, ou intéressée ; une superstition qui ne profite qu'à ceux qui, seuls, ont un intérêt primordial au maintien de ce dogme fossile, à tous ceux qui font commerce d'argent, et dont la seule préoccupation est évidemment de maintenir la rareté de l'objet de leur commerce.

L'argent est le seul moyen aujourd'hui existant par lequel s'effectuent tous les échanges. L'argent ne provient pas de la production, ni de la vente des marchandises ; il est produit par :

1° L'extraction de l'or, de l'argent, du cuivre, du nickel…, et leur monnayage ou frappe subséquente, Ceci représentait en 1927‑1928, de 0,3 à 0,5% de « l'argent » en circulation ;

2° L'impression de papier‑monnaie, représentant environ 10 % de l'argent en circulation ;

3° La création de crédits de banque, représentant environ 90 % de l'argent en circulation.               

Les pièces monnayées et les billets constituent, si l'on peut dire; l'argent de poche ou la « petite caisse » de la société; tandis que les 90% de l’argent en circulation sont CREES par les banques par de simples entrées dans leurs livres.

Les seuls frais occasionnés aux banques par la création des crédits sont des frais de comptabilité ordinaire ; de telle sorte que l'on peut dire que le crédit, c’est‑à‑dire (termes interchangeables) l'argent, NE COUTE PRATIQUEMENT RIEN A CREER.                            

L'Hon. Reginald Mac Kenna ancien Chancelier de l'Echi­quier et ancien président de la Midland Bank, autorité qui ne saurait être discutée en matière de banque, disait, dans un dis­cours à ses actionnaires en 1924:          

« Je crains que le citoyen ordinaire n'aime pas entendre dire que les banques CREENT et DETRUISENT l'argent. La quan­tité d'argent existant varie uniquement selon l'action des banques qui diminuent ou accroissent les dépôts. Nous savons comment cela se pratique : tout prêt ou découvert bancaire crée un dépôt ; et tout remboursement d'un prêt ou d'un découvert détruit un dépôt ».

Ces paroles ont été confirmées depuis, par les principaux ban­quiers et économistes, y compris M. J.‑M. Keynes. L'argent n'est pas « une commodité », et le considérer comme tel est preuve d'une fausse conception radicale de sa nature. C'est essentiellement un système de « tickets », une demande pour des marchandises, des biens ou des services, et sa fonction est de favoriser une production ordonnée et la distribution de ces biens et de ces services.

                Reproduisons encore pour éclairer ce sujet capital, les termes employés par quelques autorités incontestées dans les questions d'économie politique et de banque:

 

M. H.‑D. Mac Leod dit : (Theory and Practice of Banking) :

« La caractéristique essentielle et distinctive d'une banque et d'un banquier est de créer et d'émettre du crédit payable à vue ; et ce crédit est destiné à être mis en circulation et à remplacer l'argent dans toutes ses destinations. Une banque, par conséquent, n’est pas un office de prêts ou d'emprunts d'argent : c'est proprement une fabrique de crédits.

                « Dans le langage de la banque, un dépôt et une émission de crédit sont une seule et même chose.

« L'on croit communément que les bénéfices d'un banquier consistent dans la différence de l'intérêt qu'il paie pour l'argent qu'il emprunte et l'intérêt qu'il touche pour l'argent qu'il prête. La réalité est que les bénéfices d'un banquier consistent exclusi­vement en bénéfices qu'il peut faire en créant et en émettant du crédit en excès du numéraire qu'il tient en réserve.

                « Une banque qui n'émettrait du crédit qu'en échange d'ar­gent, n'a jamais fait et ne fera jamais aucun bénéfice. Elle ne commence à faire un bénéfice que lorsqu'elle crée et émet du crédit en échange de dettes payables à une date future ».

Et R.‑G. Hawtrey, qui fait autorité, dit d’une façon lapidaire en parlant du crédit : « Le banquier crée les moyens de paiement du néant  » 

                Mais, tout crédit de banque est une dette envers le système bancaire, et doit être inclus dans les prix des marchandises et des services et récupéré ensuite des consommateurs par le truchement des prix des marchandises.

Tout prêt bancaire ou découvert (gagé ou non) est une création d'argent ou de pouvoir d'achat, et augmente la quantité d'ar­gent en circulation. Réciproquement, tout remboursement d'un prêt ou d'un dé­couvert est. une destruction de pouvoir d'achat et une réduction de l'argent en circulation.

La seule chose qui limite la création de crédit par les banques est leur obligation de payer (théoriquement) le montant en monnaie légale. Faisant commerce sous la présomption que le public fera usage de papier (chèques, lettres de change, etc.), dans la ma­jorité des transactions sans exiger l'échange en monnaie légale, les banques ont ainsi construit une pyramide inversée de crédit sur la base instable d’une petite quantité de monnaie légale.

Et M. J.‑M. Keynes dit à bon droit :

«  Dans un système bancaire fermé, il n'y a aucune limite à la quantité d'argent bancaire, c'est-à-dire de crédits que les banques peuvent créer en toute sécurité, pour autant qu'elles soient toutes d’accord et marchent en cadence ».

Le crédit est fondé sur la crédulité, la bonne foi, la confiance. Sa limite, ajoutons-le, est purement affaire de psychologie.

Le crédit est de deux sortes : le crédit réel et le crédit financier.

Le crédit réel, que ce soit celui d'un individu ou d'une communauté d'individus, est la capacité de cet individu ou de cette communauté de produire des marchandises ou de fournir ses services.

Le crédit financier est l'instrument qui met le crédit réel en mouvement et le convertit en marchandises et services actuels. Il devrait, à tout moment, représenter le crédit réel. Il n'en est, aujourd'hui, qu'un pâle reflet. C'est le sang de la société, c'est l’air nécessaire à la vie du commerce moderne, comme l'a dit Daniel Webster, l'éminent juriste et homme d'Etat américain. Puisqu'il remplit une fonction si importante, il devrait être conséquemment sous le contrôle de la société, tandis qu'aujourd'hui il est entre les mains de quelques particuliers et sous leur contrôle exclusif. Ce qui est un comble, c'est que l'Etat ait abdiqué tout contrôle entre les mains de ces particuliers, et qu'il s'adresse à eux pour obtenir un crédit qui n'appartient qu'à lui !

Observons en outre que les banques ne prêtent JAMAIS leur capital souscrit ou leurs dépôts ;  ce qu'elles prêtent, aussi invraisemblable que cela puisse paraître, c'est le droit de l'emprunteur de tirer sur les consommateurs une traite qui sera honorée par eux, et d'en utiliser les ressources en main-d’œuvre et en matières.

               Il est absolument impossible de nier la vérité de cette affirmation qui synthétise les opérations de crédit bancaire.

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