Afin de fixer les idées sur ce qu'elle devrait être, et sur son rôle, il n'est sans doute pas inutile de faire un petit rappel historique la concernant.
Le terme monnaie, vient du nom de la déesse romaine "Juno Moneta" (Junon la Conseillère, la déesse des bons conseils qui avertit). D'ailleurs, le temple de "Juno Moneta" servit d'atelier monétaire à Rome vers le IIe siècle avant notre ère. D'autres chercheurs pensent que ce mot dérive du grec "monytes" qui signifie "indicateur".
Pour le Petit Robert, la monnaie c'est, en économie : “tout instrument de mesure et de conservation de la valeur, moyen d'échange des biens”. C'est donc bien un moyen d'échanger des biens et nous verrons plus loin ce qu'il faut en penser en terme de conservation de la valeur.
Comme le Petit Robert, Michel Musolino ("L'économie pour les nuls", Editions First, 2007), s'inspirant sans doute d'Aristote, lui voit lui aussi trois fonctions :
- C'est une "unité de mesure de la valeur", donc en quelque sorte un étalon. Or un étalon, qu'il soit monétaire ou physique, doit rester fixe. Or, contrairement aux étalons utilisés dans les autres sciences l'étalon monétaire varie constamment !
- C'est un "intermédiaire universel d'échange" qui supplée au troc, lequel dans notre monde moderne et complexe ne constitue pas un moyen pratique d'échange de produits ou de services. C'est là sa fonction principale !
- C'est une "réserve des valeurs dans le temps", seulement valable si n'existaient pas les dévaluations ! Cette fonction n'est pas propre à la monnaie, tout autre bien (maison, bijou, tableau, etc.) pouvant être considéré comme une réserve de valeur.
Au début, avec le développement de l'agriculture et de l'élevage, et la sédentarisation des populations, soit entre 8000 et 3000 ans avant notre ère, est apparu le troc, premier système d'échange économique considéré aujourd'hui par certains comme primitif et suranné car, en effet, peu aisé.
Les échanges économiques étaient à l'origine surtout liés à des besoins sociaux (alliance entre familles ou communautés villageoises) et rituels (sacrifices humains ou d'animaux). Le troc permettait d'échanger un bien (produit de la chasse, de la pêche ou de l'élevage) contre un autre bien (produit de la cueillette, de la culture, de l'artisanat …), ou encore un travail ou service contre un autre travail ou service, et enfin, parfois, ne l'oublions pas, l'échange d'animaux, ou d'argent, contre des femmes !
Pour que le troc puisse avoir lieu, deux conditions doivent être remplies :
1 - celui qui possède le bien que vous souhaitez acquérir doit désirer celui que vous lui proposez ;
2 - chacun doit estimer que le bien, objet de l'échange, que l'autre possède a la même valeur ou a une utilité comparable au bien qu'il possède.
Si cette dernière condition n'est pas satisfaite, l'échange peut quand même se faire, mais les deux échangistes doivent se mettre d'accord pour que celui qui est considéré comme favorisé fournisse à l'autre un supplément, ou une compensation nommée soulte, pour rétablir l'égalité entre ce qui est échangé. Ce supplément n'est accepté que si il peut être utile à celui qui le reçoit ou si ce supplément peut intéresser un troisième échangiste qui accepte de le recevoir en échange d'un bien qu'il possède.
Comme on peut s'en douter, ceci faisait souvent l'objet de longues palabres ou discussions. Ce n'était donc possible qu'à petite échelle, au sein d'une petite communauté dont tous les membres se connaissaient et se respectaient. Ceci se concevait également quand le nombre de biens à échanger était très restreint. Ce type d'échange devenait plus compliqué lorsqu'il s'agissait d'échanger des biens plus nombreux ou conséquents (animaux, récoltes, bois, outils, objets…) soit dans la communauté même, soit avec des communautés voisines ou à plus forte raison éloignées. Pourtant c'était là la meilleure façon d'échanger des biens, sans intermédiaires soucieux de prélever leur dîme au cours de cette transaction ! Ce type d'échange n'a pas empêché le développement économique des premières communautés.
De nos jours, malgré sa lourdeur, le troc est encore pratiqué
- à petite échelle par les enfants à l'école - échange de jouets, de bonbons, de billes… - ;
- à moyenne échelle par les particuliers - échange de paquets de cigarettes contre d'autres produits (bouteille de vin, conserves) chez les soldats ou les prisonniers; échanges de produits agricoles; échanges d'objets par les collectionneurs de timbres, de monnaies, de cartes postales, etc.); échanges de monnaie par les entreprises (swap) - ;
- en cas de crise économique comme récemment en Argentine avec l'introduction des tickets-troc, mais cela a été vivement combattu par l'Etat et par les banques qui bien évidemment n'avaient aucun contrôle sur ce marché et donc ne pouvaient prélever aucun impôt ou intérêt !
- à grande échelle par certains pays - échange de pétrole contre des produits alimentaires et médicaux comme en Irak -.
Remarquons incidemment que, selon Bernard Lietaer, le troc représente au XXIe siècle presque 15% du commerce mondial et croît de 15% par an, alors que le commerce s'appuyant sur la monnaie ne croît que de 5% par an. Les milieux des affaires essaient de plus en plus souvent de se passer d'argent, donc de toute monnaie qui est devenue trop rare et de ce fait trop chère suivant l'orthodoxie financière (cité par Peter Scowen dans Ode Magazine), ou dont la valeur varie constamment.
N'oublions pas que, d'une façon générale, le troc entre particuliers est combattu par les états car il permet d'échapper à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) !
Puis on est passé au symbole du troc : d'abord le caillou (calculus en latin, d'où vient le mot calcul, qu'il soit biliaire ou désigne l'action de compter, le nombre de cailloux représentant la valeur du bien), puis le coquillage (cauri - Cypraea moneta), premiers exemples d'une monnaie. Le cauri fut introduit d'abord en Chine (vers 3.500 ans avant J.-C.), puis dans toute l'Asie et l'Afrique. Ce coquillage, utilisé comme monnaie, était encore en service en 1907 au Dahomey (actuel Bénin) où 20.000 cauris valaient 7 francs ! Et en 1930 au Nigeria, soit plus de 5.000 ans après son introduction ! Le nombre de ces cailloux ou coquillages représentait la valeur estimée d'un bien. Ces objets représentaient en quelque sorte un étalon monétaire. Mais ces étalons ne portaient en eux-mêmes aucune valeur. Leur nombre en circulation devait représenter la valeur totale des objets en présence. Si l'échangiste A possédait deux biens, l'un valant 10 cauris et l'autre 5 cauris, et l'échangiste B possédait un bien d'une valeur de 15 cauris, 30 cauris, représentatifs de la valeur des trois biens, devaient être disponibles pour permettre l'échange. B devait vouloir les deux biens de A pour que A puisse acquérir le bien de B. En Chine, vers la fin du XIIIe siècle avant notre ère, suite à la pénurie de coquillages, des copies de cauris en pierres, en os, en bronze et en porcelaine furent même fabriquées.
D'autres coquillages, réunis en colliers ou ceintures (wampum), furent utilisés par les tribus indiennes d'Amérique du Nord, mais également d'Afrique australe.
Dans d'autres pays ce symbole du troc correspondait en Afrique subsaharienne à des disquettes de coquilles d'escargot (musanga), à une arme (guinzé) en Afrique occidentale, à une hache (employée en Bretagne et dans l'Amérique précolombienne), ou encore à l'anneau d'esclave en cuivre (manille) réalisé sur place par les indigènes africains (Madagascar, Nigeria, Côte d'Ivoire) et encore en service en 1948 au Nigeria ! Une bêche et un couteau en bronze furent également utilisés en Chine vers l'an 1.000 avant notre ère en remplacement du cauri. Des amandes de cacao étaient utilisées comme monnaie par les Aztèques, et des pièces d'étoffe de coton (quachtli) par les Mayas. Des plumes rouges servirent également de monnaie dans l'île de Santa Cruz. On donne parfois à ce type de monnaie le nom de "monnaie-signe".
Enfin, plus tard, le sel lui-même servit de monnaie, d'où d'ailleurs l'origine du terme salaire qui représentait l'indemnité du soldat et correspond aujourd'hui à la valeur d'un travail ou d'une activité ! On assistait là à l'introduction de la "monnaie-marchandise", le sel étant lui-même une marchandise.
Durant les IIIe et IIe millénaires avant notre ère, les égyptiens inventèrent la comptabilité, confiée aux scribes, afin d'établir un suivi précis des échanges en nature. Ils introduisirent des symboles, puis des unités de compte (orge, pain, métaux) qui correspondaient à la monnaie. La richesse, que représentaient les biens objets de l'échange, circulait d'un compte à un autre en obéissant à des règles très strictes. Ces mouvements étaient contrôlés par des fonctionnaires. Parallèlement, les biens étaient stockés dans des entrepôts d'Etat en Egypte ou dans des temples en Mésopotamie. Les particuliers pouvaient y déposer des biens dans des cellules qui leur appartenaient (équivalent aujourd'hui des coffres dans les banques). Des unités de poids, longueur, et volume furent introduites à ces moments afin de permettre l'évaluation de ces biens. Les métaux de référence étaient le cuivre chez le Egyptiens, le plomb chez les Assyriens, et enfin plus tard l'or et l'argent. Cela correspondrait de nos jours à la "monnaie scripturale".
Les Lydiens, habitants de la Lydie (actuelle province de Turquie), introduisirent la monnaie métallique vers le VIIe siècle avant notre ère. Ils utilisaient un alliage naturel d'or et d'argent, nommé "électrum", existant sous forme de paillettes présentes dans les sables de la rivière Pactole. La valeur d'un objet était représentée par un certain poids de ce métal. Les échanges requéraient donc sans cesse des pesées de ces paillettes ce qui n'était guère pratique. Ce système de monnaie est connu sous le nom de "monnaie-pesée".
Conscients des difficultés imposées par la pesée, pour faciliter les échanges les marchands de Lydie eurent l'idée de fondre cet alliage et de le diviser en fragments ou gouttes plus ou moins sphériques. Des signes reconnaissables (cerf, lion, phoque, abeille, etc.) en garantissaient le poids - estimé en statère, une unité correspondant à environ 14 grammes - et donc la valeur. Des monnaies divisionnaires, correspondant à des fractions de ce poids, furent introduites afin d'aider au règlement des menues dépenses. La plus petite monnaie correspondait à 1/96 de statère.
Puis, vers 550 avant J.-C., on est passé à la monnaie en or ou en argent pur, avec toujours des empreintes à l'avers (lion et taureau se combattant) et au revers (deux carrés creux). Une pièce d'or valait environ 20 pièces d'argent. Crésus, dernier roi de Lydie, en serait l'auteur (vers 561-546 avant J.-C.). Suite à l'invasion de la Lydie par Darius, roi de Perse (522-486 avant J.-C.), les monnaies étaient frappées le représentant en guerrier avec un arc à la main. D'où leur nom de darique. L'usage de cette monnaie se répandit de l'Asie mineure vers le monde grec, puis jusqu'en Sicile accompagnant la colonisation de cette île par les Perses.
C'est également en Grèce, plus précisément à Egine, modeste île entre Argos et Athènes, qu'apparurent vers 625 avant J.-C. les premières pièces de monnaie. Auparavant, les grecs utilisaient des "broches" de fer ou de cuivre, nommées "obelos" - d'où par déformation le terme obole - pour leurs échanges. Dix "obelos" valaient une drachme, ou poignée. La tortue de mer était l'emblème de la monnaie d'Egine. Cette dernière monnaie fut supplantée à Athènes vers 510 avant J.-C. par une monnaie portant à l'avers la tête d'Athéna et au revers la chouette, symbole de la déesse.
La référence au sacré était omniprésente. Le rôle de la monnaie était alors plus politique et religieux qu'économique. La monnaie était en effet essentiellement utilisée dans les échanges extérieurs, les relations politiques ou les sacrifices, qu'elle permettait de tarifer. Il était d'usage de mettre une pièce de monnaie dans la main ou la bouche des morts. Les gens de l'époque croyaient en effet que l'âme du mort devait franchir le Styx, fleuve des enfers gardé par Charon. Grâce à cette obole, Charon lui faisait traverser le fleuve dans son bateau. L'or venant à manquer, la monnaie en argent s'imposa. Toutefois, suite à la conquête de la Macédoine par le roi Philippe II, père d'Alexandre le Grand, l'or redevint abondant et le statère d'or supplanta la darique.
La monnaie d'Athènes fut copiée dans divers Etats comme l'Egypte, à la fin du Ve siècle et au IVe siècle avant notre ère.
A Rome existait deux types de moyens d'échange : le bétail ("pecus" : mouton, chèvre ou bœuf), d'où la "monnaie-bœuf" ou "monnaie-sang", et le bronze qui la remplaça suite à la loi des Douze Tables de 450 avant J.-C. La monnaie de bronze, l'"as", était représentée par de lourdes plaques rondes ou rectangulaires, ornées de l'image d'un bœuf. Vers 212 avant notre ère apparut le "denier", monnaie d'argent, suite à la conquête de l'Espagne et de ses mines d'argent de Carthagène par les romains. Le denier valait dix as de bronze.
En Chine, au IIIe siècle avant notre ère apparut la sapèque, pièce ronde à trou central carré faite en bronze, cuivre ou étain. La valeur que représentait chaque pièce était indiquée par deux caractères disposés de part et d'autre du trou central. Cette monnaie disparut seulement en 1912. Ces systèmes de monnaie correspondent à la "monnaie-frappée", toujours existante de nos jours pour les menus achats.
Cette nouvelle forme métallique de monnaie va faciliter les échanges et stimuler le commerce. Mais, par la même occasion, l'introduction de cette monnaie métallique va d'une part renforcer le pouvoir politique de celui qui détient le monopole de sa création, et d'autre part modifier l'objet initial de sa création, le métal utilisé étant lui-même une marchandise, représentant une valeur, surtout si ce métal est de l'argent et à plus forte raison de l'or, métaux rares et précieux !
C'est ainsi que la pièce métallique, surtout en or, représentant en elle-même une valeur, les Etats ont longtemps fondé la richesse de leur pays sur leur stock d'or.
Notons au passage l'aberration que représentait, et représente encore, le stockage de lingots d'or dans les coffres-forts des Etats, comme à Fort Knox aux Etats-Unis, ou des banques d'émission. On dépense beaucoup d'énergie et d'argent pour extraire cet or de terre, pour finalement, sitôt sorti de terre, le remettre, pour une partie, sous terre sous forme de barres (lingots) ! Cette partie de l'or extrait de terre n'est donc pas utilisée, elle ne sert donc à rien, sinon soi-disant de richesse-refuge dont on peut spéculer comme le font constamment les Etats et les gens !
Les chinois, plusieurs siècles après l'invention du papier et une forme d'imprimerie, mirent en service une monnaie de papier vers les Xe-XIe siècle de notre ère. C'est l'essor de la "monnaie fiduciaire" (billets de banque).
Cette monnaie disparut en Chine vers le XVe siècle, la garantie de la valeur que le billet représentait n'étant plus assurée par l'émetteur. Elle fut réintroduite en Chine au XIXe siècle par les puissances coloniales.
En France, c'est sous le règne de Louis XIV qu'apparut, de façon sporadique, la première monnaie-papier, sous forme de certificats de dépôt d'or, échangeables et servant à régler des dettes. Rappelons aussi l'introduction des assignats au moment de la Révolution et ce qu'il en est advenu : la faillite et la suspicion vis-à-vis des billets de banque qui perdura jusqu'au XXe siècle car ils étaient facilement copiés !
En 1685, au Québec, alors province française, Jacques de Meulles, intendant des pays septentrionaux, eut l'idée de transformer un stock de jeux de cartes en "monnaie", afin de payer ses soldats, l'argent de la solde étant bloqué par les glaces. Il garantissait leur échange contre leur équivalent en monnaie royale.
En 1798, en Egypte, les marchands du Caire se faisaient payer en boutons d'uniforme des soldats français.
On sait que depuis maintenant un siècle la "monnaie-papier", ou "monnaie fiduciaire", coexiste avec la "monnaie-frappée" (métallique) cette dernière généralement réservée pour les petites sommes. Cette forme tangible, palpable (pièces de monnaie, tellement falsifiées qu'elles sont pratiquement sans valeur intrinsèque, billets de banque, papiers commerciaux, etc.), représente environ 5% de l'argent en circulation ;
Sont également apparus et se sont considérablement développés d'autres moyens modernes d'échanges et de paiement :
- la "monnaie scripturale", sans autre support physique qu'un chiffre inscrit dans un compte, reposant sur des virements de compte bancaire à compte bancaire, le titre interbancaire de payement (TIP), etc. Cette forme non tangible, constituée surtout par les crédits bancaires, représente environ 95% de l'argent en circulation ;
- le chèque ;
- enfin, la carte de crédit.
Très récemment d'autres moyens d'échanges ont été proposés. C'est ainsi que parallèlement aux monnaies nationales, l'idée d'un système monétaire complétif est apparue il y a déjà 20 ans au Canada. Ce système monétaire et de crédit, sans intérêt, y est connu sous le sigle LETS pour Local Exchange Trading System. Certaines communautés mettent en circulation des monnaies locales, utilisées pour échanger des services. Selon Peter Scowen, dans un article paru en septembre 2005 dans le n° 26 de Ode Magazine, plus de 5.000 tels systèmes fonctionnent dans des communautés comprenant entre 500 et 5.000 personnes.
Bernard Lietaer préconise lui aussi l'introduction, sur une large échelle, de systèmes monétaires complémentaires. Selon lui, ils permettraient de satisfaire les besoins et rendraient possibles les transactions quand l'argent "normal" n'est pas disponible. Il considère que les "miles", gagnés par les voyageurs prenant fréquemment certaines lignes aériennes, constituent une monnaie permettant de payer des nuits d'hôtel, des repas dans certains restaurants, etc. Par ailleurs, certains achats, - ceux réalisés avec un certain type de cartes de crédit, - donnent aussi droit à des "miles" ! En fait ces "miles" ne sont que des ristournes consenties pour fidéliser les clients !
D'autres, plus récemment en Belgique et en France, proposent l'instauration d'un projet de "société à double valeur de référence", grâce à l'introduction du "robin", monnaie complétive de l'argent (Jean-Marc Flament : "Le robin"; La garantie d'une société plus humaine" (160 pages; 495 FB "Belgique") par Noûma aux Editions L'Aube des Temps Nouveaux, Janvier 1998). Pour son auteur, le robin est une monnaie nominative, exclusivement électronique, réservée aux seules personnes physiques, non productive d'intérêts et non cessible ni transmissible.
Les versements en robins seraient établis en fonction de certains critères ci-après résumés :
- de l'utilité sociale des travailleurs et de leur employeur,
- de la sélectivité des bénéficiaires de leur travail,
- de l'importance pour la vie humaine de l'activité du travailleur,
- de l'urgence et du péril,
- du mérite du prestataire de service,
- de l'innocuité du produit fabriqué,
- de la rétribution en argent.
Ce système à double valeur de référence est proposé en vue de résoudre les problèmes économiques existant tant dans nos pays que dans ceux du Tiers Monde. C'est un système qui mérite une étude approfondie.
Mais pourquoi deux systèmes monétaires ? Rénovons celui existant afin de lui redonner sa vraie fonction qui est avant tout de faciliter les échanges. Que la monnaie constitue enfin un étalon fixe et qu'elle représente l'ensemble des richesses existantes et ne soit donc pas maintenue rare limitant ipso facto la possibilité de consommer ce qu'on produit ! Et l'autorité monétaire, "le droit de battre monnaie", et celle d'"ouvrir des crédits" doivent être restituées aux Etats et non laissées aux banques !
Enfin, certains proposent même la suppression de la monnaie sous toutes ses formes pour ne conserver que les cartes de crédit ou les transferts de compte à compte, dans le but d'éliminer les fraudes et trafics en tout genre : drogue, papiers d'identité, etc. rendus plus faciles grâce aux billets et faux billets d'ailleurs ! Ne serait-ce pas plutôt pour favoriser les banques ?
Fonction de la monnaie
L'on sait que pour les économistes orthodoxes, et pour Keynes, la fonction de la monnaie est:
A - de servir d'instrument d'échange ou de transaction;
B - de servir de “réservoir des valeurs” (épargne), en d’autres termes, de précaution;
C - de spéculer. C’est en effet ce qu’on constate surtout de nos jours !
D - de servir de “mesure de valeur”;
Considérons chacune de ces fonctions.
A - Il est bien certain que la monnaie sous toutes les formes qu'elle peut prendre, est l'agent indispensable, le moyen, le véhicule de la distribution et de la répartition des biens et des services que la collectivité produit pour être consommé. Instrument des échanges, il tombe sous le sens qu'il serait absurde que les échanges - la distribution, la répartition - souffrent ou soient handicapés par une insuffisance, un manque, une disette de ces moyens purement artificiels.
Une comparaison simple, due au Major C.H. Douglas ("Social Credit"), permet de comprendre parfaitement le rôle de la monnaie, instrument d'échange, et sa fonction: c'est la comparaison de la monnaie et du billet de chemin de fer.
Le billet de chemin de fer est un "titre de voyage"; il sert à "distribuer le transport" exactement comme l'argent est un “titre à consommer des biens et des services” et sert à “distribuer les produits” de l'industrie humaine. Le fait que le voyageur paye son billet en argent n'a aucune portée quelconque sur la comparaison ni l'argument, car l'équivalent de l'argent du voyageur qui achète un billet ou “titre de voyage”, c'est le travail de l'individu et son aptitude à produire des biens et des services, la seule chose qui constitue pour lui son “titre à consommer”, inadéquatement et insuffisamment représenté aujourd'hui par l'argent.
Maintenant remarquons:
1 - que la demande en billets de chemin de fer aux guichets de distribution des gares fournit de toute évidence à l'administration des chemins de fer une indication parfaite de l'importance des transports requis (encore qu'elle soit aujourd'hui sujette à des restrictions financières qui n'ont pas de portée sur l'argument);
2 - cette indication permet à l'administration d'établir un programme de transports, d'organiser le trafic et les horaires, tandis que:
3 - la possibilité, pour le voyageur, d'obtenir un billet en conformité avec le programme et les horaires, lui permet d'organiser ses plans de déplacement avec la certitude qu'il pourra être transporté là où il voudra, à l'heure et avec les commodités de son choix.
Or, décider que toutes sortes de choses désirables qui existent ne pourront être obtenues, parce que le nombre d'étalons ou de "copies" de l'étalon (c'est-à-dire la quantité d'argent) est limité, est aussi absurde que de vouloir qu'il n'y ait, par exemple, dans un train qui comporterait 1.000 places et d'autres trains sous pression, que 100 voyageurs au départ de Paris pour Marseille malgré une large affluence aux guichets de voyageurs pour cette destination, et prêts à payer leur place, sous le seul prétexte qu'il n'y aurait que 100 billets Paris-Marseille disponibles à ces guichets. Un tel argument n'a de valeur que si l'insuffisance de billets de chemin de fer reflétait une insuffisance réelle en moyen de transport, et non l'inverse. En d'autres termes, il est aussi absurde de maintenir l'argent rare ou de le raréfier (ce qui est bien la politique bancaire et financière de l'économie contemporaine), qu'il le serait de limiter le nombre de billets de chemin de fer et le nombre de trains, malgré la présence d'une surabondance de voyageurs prêts à payer leur place, et une surabondance de matériel roulant pouvant les transporter.
Comme on le voit sans peine, cette comparaison met bien en pleine lumière à la fois la nature et la fonction de la monnaie:
a) sa nature qui est d'être un système de tickets; un mécanisme d'administration, impliquant un système de comptabilité reflétant les réalités physiques de la production et de la consommation;
b) sa fonction qui est de faire passer dans les faits la satisfaction de la demande réelle, et de permettre la production des biens et services réclamés par cette demande réelle.
En d'autres termes, LA FONCTION PROPRE DE LA MONNAIE EST DE FOURNIR TOUTES LES INDICATIONS NECESSAIRES A LA PRODUCTION, COMME A LA DISTRIBUTION DES BIENS ET DES SERVICES A LA DEMANDE REELLE.
B - Quant à considérer la monnaie comme un “réservoir de valeurs”, il doit tomber sous le sens que c'est là une conception parfaitement absurde, dont l'absurdité est mise en évidence par la nature même et la fonction de la monnaie. Les seuls "réservoirs" de valeurs futures sont le sol et le sous-sol, toutes les sources d'énergie, les moyens et les procédés techniques, et surtout l'aptitude de la collectivité, comme de chaque individu en particulier, à créer des biens et des services qui auront ces valeurs futures.
C - Spéculation. Pour Keynes, ce mot n'avait pas le sens qu’on lui attribue de nos jours. “Il s'appliquait aux revenus des actifs financiers plus qu'aux perspectives de plus values sur les prix de ces actifs. Dans cette optique, le profit dit spéculatif se fait sur le taux d’intérêt, qui est alors le prix de la renonciation à la liquidité pour un motif de "spéculation". La demande de monnaie à des fins de spéculation est fonction décroissante du taux d'intérêt. [...] Certains parient sur la hausse du taux, d’autres sur la baisse, étant entendu que la tendance du marché correspond à l’opinion qui emporte la plus grande adhésion.[...] Si le taux d’intérêt augmente, alors les agents vont anticiper qu’il peut à tout moment baisser, ils vont donc réduire leur demande de monnaie pour motif de spéculation.” (Wikipédia). Et inversement !
D - La fonction de la monnaie ne saurait, en aucun cas, de servir de “mesure des valeurs”. [...] Nous avons suffisamment mis l'accent sur ce point dans les rubriques précédentes. Mais, au risque de fatiguer le lecteur, il faut répéter que la mesure de la valeur d'une marchandise, d'un bien quelconque, d'un service, ne saurait être définie comme étant un certain nombre déterminé d'étalons réels - ce qui constituerait, comme nous l'avons vu, une concrétisation fallacieuse de la valeur et du prix.
En d'autres termes, une marchandise, bien ou service, ne vaut pas tant d'étalons pour les raisons que nous avons données.
a) Si l'on prend la peine, parfaitement inutile d'ailleurs de choisir un étalon matériel, la marchandise en question, bien ou service, vaut un NOMBRE DE FOIS un seul étalon, lequel doit être absolument invariable, sous peine de tomber dans la plus complète confusion. (cf. ci-après le paragraphe étalon).
b) Mais l'on a vu qu'en fait le prix n'est qu'un NOMBRE relatif et l'unité monétaire n'étant qu'un concept - précisément celui de l'unité - habillé d'un mot, “franc”, “dollar”, “euro”, etc., qui est son symbole, tel le nom de famille d'un individu, le prix lui-même n'est qu'un nombre relatif habillé de même.
C'est dans le fait de l'appariement de chacun des constituants de l'ensemble biens et services ET d'un constituant de l'ensemble nombres naturels, que consiste la "mesure des valeurs"; et l'on vient de voir que la monnaie sous toutes les formes qu'elle peut prendre, n'en est qu'une représentation.
Détournement du rôle de la monnaie
A l'origine, pour permettre les échanges il était nécessaire que la monnaie disponible représentât au moins la valeur des biens à échanger. D'où le choix d'un objet-étalon abondant. Ceci est encore toujours vrai mais n'est malheureusement plus appliqué, la monnaie en circulation ne représentant pas la valeur de l'ensemble des richesses existant sur notre Terre ! Cette monnaie est maintenue rare et l'on en a même fait l'objet d'un marché, conduisant à des spéculations, des escroqueries et des fraudes !